10 tigres dans 1 camion

Pendant plus d’un an, nous avons enquêté sur les tigres détenus par le dresseur de cirque Mario Masson.

10 tigres dans un camion

Pendant plus d’un an, nous avons enquêté sur les tigres détenus par le dresseur de cirque Mario Masson.

Des animaux protégés, en danger d’extinction, ici réduits en esclavage

Ils sont neuf dix, ils s’appellent Tara, Junior, Sumak, Ima, Houna, Hister, Rañi, Ashley, Bégum et Douglas et un autre dont le nom nous est inconnu et vivent enfermés toute l’année dans un camion-cage garé dans la cour d’une usine désaffectée de Picardie. Les rares fois où ils en sortent, c’est pour être soumis et subir une vie de stress, sous la menace du fouet.

Quelques dates clés concernant les dix tigres dans un camion - 7 juin 2021

2013 : Nous filmons le spectacle du Cirque Gervais, dans lequel figurent les tigres exhibés par Mario Masson et Micha par Sacha Poliakov.

En février 2019, nos enquêteurs se rendent sur place pour la première fois après la réception d’un signalement. Ils ne peuvent distinguer que la silhouette de quelques tigres dans un camion et de très loin. Le parquet indique à notre avocate qu’il faut plus de preuves pour que notre plainte ne soit pas classée sans suite.

Avril 2019 – Au Parc Saint Paul voisin, Masson propose au public des spectacles de tigres. À la fin de ceux-ci, le propriétaire, Kid Bauer, également patron du Parc Saint Léger, dit Parc des félins, propose au public de se faire photographier des tigreaux dans les bras.

Août 2019 – Une deuxième expédition est organisée dans l’usine désaffectée de Picardie transformée en garage. Les tigres sont sur place, enfermés dans le camion.

Octobre 2019 – Nos enquêteurs filment vingt-quatre heures durant les tigres dans la remorque et les extensions du camion, mais le dresseur part à un festival de cirque et l’enquête doit s’interrompre.

Début janvier 2020 – Pendant six jours et ce, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, nos enquêteurs prennent des risques inimaginables et filment les tigres qui ne sortent pas du camion. Lien 1Lien 2 Nous suspectons que du trafic de faune sauvage a cours. Les autorités entament une enquête sur la base de nos images et des expertises qui enrichissent notre plainte contre le dresseur pour mauvais traitements commis par un professionnel, placement ou maintien d’un animal sauvage captif dans un habitat, un environnement ou une installation pouvant être cause de souffrance, et exploitation irrégulière d’établissement détenant des animaux.

Fin janvier 2020 – Nous dévoilons les images au public. Le jour même, Masson déploie le parc de détente et place des tigres et tigresses à l’intérieur afin de faire illusion auprès des journalistes.

Mi-février 2020 – Nos enquêteurs se rendent sur place et « interviewent » le dresseur (lien 1lien 2lien 3) Nous apprenons alors qu’il y a dix tigres et non neuf. Nous pouvons les filmer de près avec l’accord du dresseur qui nous donne leur nom.

Avril 2020 : Pendant le premier confinement, nous nous inquiétons du sort des animaux captifs des cirques et interpellons par courrier la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne.

Début décembre 2020 – La procureure nous prévient que la saisie des dix tigres et tigresses aura (enfin) lieu dans les jours qui viennent et nous demande d’organiser leur transfert dans un refuge. Nous organisons tout pour le jour J : vétérinaire, transport, arrivée après des centaines de kilomètres sur le lieu de leur nouvelle vie en attendant le procès.

16 décembre 2020 – C’est le jour J : la saisie a lieu. Masson n’est pas sur place. Il cherchera en arrivant à bloquer la saisie avec d’autres circassiens. Toutes les personnes présentes sur place reçoivent des menaces de mort, des individus seront même interpellés dans le jardin de la famille du transporteurLes tigres arrivent dans la nuit du 16 au 17 décembre à Tonga Terre d’Accueil et sont installés dans les tanières.

Janvier 2021 : Trois semaines plus tard, ils découvrent les enclos extérieurs et au bout d’un mois, sont totalement acclimatés à la vie hors du camion.

Juin 2021 : Nous attendons la tenue du procès relatif à notre plainte et de pouvoir envisager l’avenir des tigres en semi-liberté.

Article du 30/01/2020

Depuis plus d’un an, nos enquêteurs surveillent les tigres de Mario Masson. Barricadé au cœur d’un village, derrière une épaisse protection de ronces entremêlées autour de grands murs en briques le long d’une route nationale, le dresseur protège des regards son outil de travail. Derrière des voitures d’occasion mises en vente, les neuf tigres qui lui servent de gagne-pain se morfondent, enfermés dans un camion-cage, qu’il pleuve, vente ou que le thermomètre affiche quarante degrés. Sultan, Begel, Junior, Hashley, Tara, Ima, Houna, Hister et un autre dont nous ignorons le nom, n’en sortent qu’exceptionnellement, pour se soumettre et subir une vie de stress, sous la menace du fouet.

Maltraités dès la naissance

Au Parc Saint Paul, Mario Masson montre ses tigres dressés, puis propose aux spectateurs de se faire photographier un bébé tigre dans les bras, moyennant subsides en espèces. Le spectacle est assorti d’un discours qui n’est que propagande contre les défenseurs des animaux sauvages exploités par les cirques.

Tous ces tigres sont nés en captivité, et ont été arrachés à leur mère dès le plus jeune âge. Ils sont l’objet d’expériences génétiques sauvages pour obtenir des individus consanguins, à la robe blanche ou orange à bandes ocre, aux déformations et maladies génétiques notoires. Outre le potentiel trafic sous-jacent de lionceaux et tigreaux qui permettrait d’avoir toute la saison d’ouverture du parc des petits à disposition, leur manipulation par des humains est une maltraitance. Nous avions dénoncé publiquement ces agissements – courants dans ce milieu – et attaqué le parc, ainsi que plus récemment l’arrêté ministériel sur la faune captive, facilitant les élevages non encadrés.

Enfermés toute l’année…

Mais pour les neuf tigres adultes produits cet été en public six fois en quatre jours, dans un festival de cirque, le quotidien n’est guère plus rose. Nous dévoilons aujourd’hui au grand jour la réalité de leur quotidien : ils sont enfermés toute l’année, sauf en de rares occasions (spectacles, clips ou photos dans des magazines)…

Les quartiers d’hiver n’en ont que le nom, puisque nos enquêteurs les ont vus sur place à chaque fois qu’ils s’y sont rendus. Tant l’été sous les températures caniculaires de cette région picarde si changeante, qu’à l’automne et en hiver où les cages sont battues par le vent et la pluie glaciale de ces humides et froides saisons. Ils ont été photographiés et filmés enfermés dans les compartiments-cages de ce qui n’est ni plus ni moins qu’une remorque de poids lourd, jusqu’à six jours d’affilée. Et ces six jours ne correspondent pas à une période entre deux sorties, mais au temps maximum d’enregistrement que nous avons obtenu, au prix de grands risques…

Des animaux protégés, en danger d’extinction, ici réduits en esclavage

Aucun enrichissement n’est offert aux tigres pour rompre la monotonie des heures qui passent. La réglementation (minimale) exige qu’ils puissent se dégourdir les pattes quotidiennement dans un parc d’ébat, de la taille approximative d’une piste de cirque et qu’ils aient accès à une piscine. Absents, une fois encore. Tout au plus changent-ils de compartiment quand leur litière est nettoyée.

Femelle ou mâle, en liberté chacun régnerait sur un territoire de plusieurs milliers d’hectares, dans la jungle tropicale… Ici, seul Sultan bénéficie d’une cage individuelle (mais sans toiture !). Les autres sont entassés quatre par quatre. Eux qui aspirent à l’indépendance plus que tout, sont plus stressés que jamais, asservis et forcés à cohabiter avec leurs congénères, sous les yeux de leurs geôliers. Le soir, elles et ils doivent se battre pour obtenir leur pitance. L’eau, vitale, ne leur est distribuée qu’avec parcimonie. Puis, les parois latérales du camion se ferment sur leur malheur. Le camion devient boîte obscure…

Pour ces raisons, en plus de mettre à disposition du public les images révoltantes de ces neuf bagnards enfermés jour et nuit, nous portons plainte pour mauvais traitements, qui plus est commis par un professionnel (ce qui est un délit), placement ou maintien d’un animal sauvage captif dans un habitat, environnement ou installation pouvant être cause de souffrance, et exploitation irrégulière d’établissement détenant des animaux. Nous proposons de les prendre en charge et de les placer dans l’un des sanctuaires dont nous sommes partenaires.

« Interview » du dresseur des dix tigres dans le camion !

Nos enquêteurs ont réussi à obtenir les confidences de Mario Masson, le dresseur des tigres maintenus à l’année dans les cages d’un camion. Ses propos sont édifiants, autant par rapport à ce qu’il confie lors de l’ « interview » qu’à la manière dont la réalité est tronquée. Comparés aux éléments dont nous disposons, ils permettent une belle mise en perspective…

En fait de neuf tigres, ils sont en réalité dix.

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20 ANS DE COMBATS POUR DES #CIRQUESSANSANIMAUX

20 ans de combat pour libérer les animaux

C’était hier… En 1999, One Voice lançait un combat très novateur à l’époque avec sa campagne « Des cirques oui, mais sans animaux ». Une cause pourtant évidente, pour qui souhaite secourir les animaux, faire barrage à leur exploitation. « Respecter la vie » aurait dit Théodore Monod, parrain de l’association.

Au passage des années 2000, constatant la misère physiologique d’un hippopotame, One Voice sera la première association française à déposer plainte contre un cirque, celui de Paris. Près de 20 ans plus tard, One Voice se bat pour Jumbo, l’hippopotame trimballé par le cirque Muller sans même participer aux représentations. Rien n’a changé entre temps, donc ? Si, beaucoup de choses ont changé…

Devant la détermination de One Voice, le regard des gens a évolué. À force d’enquêtes suivies, d’expertises scientifiques, d’actions en justice dès que nécessaire, à force d’alertes aux autorités, de soutiens aux mairies, d’informations auprès du public, de manifestations médiatiques, de libérations spectaculaires, en France comme à l’étranger, l’avenir des cirques exploitant les animaux se rétrécit, les consciences évoluent et la loi suivra, un jour.

Avec Vicky, en 2006, nous avons été les premiers à libérer une éléphante d’un cirque en France. Puis vint le lion Djunka, rendu à l’Afrique en 2007… D’autres ont suivi, d’autres connaîtront demain la liberté et non les cages! Alors nous ne lâcherons rien, car ces animaux sauvages à la dignité bafouée, qu’ils soient nés ou non en captivité, restent dressés avec brutalité, sont maintenus dans la souffrance par leurs conditions de détention, par la fureur des spectacles, la dureté de l’itinérance.

Pour eux, nous ne cesserons notre combat que quand tous les cirques seront sans animaux. Soutenez-le, rejoignez-le, amplifiez-le ! C’est une des clés pour que notre planète retrouve éthique et humanité !